Salut les jeepers d'ici et
d'Europe.
Vous vous souvenez
de l'article que j'avais écrit
en décembre 2002 sur la réfection
de ma première M38CDN et
dans lequel j'expliquais
les problèmes
que j'avais rencontré pour installer
le distributeur et la pompe à l'huile,
le tout en phase avec la
position de feu des pistons?
Si vous ne vous
en rappelez pas, je vous envoie
une copie de cet article dans
lequel j'expliquais la résolution
du problème en utilisant
la trigonométrie.
Je terminais
cet article en affirmant
que je ne savais pas si
le calcul avait valu le
travail car à l'époque,
je n'avais pas encore fait
démarrer
le moteur.
Je peux vous
affirmer que le moteur
en question a fait ses
premiers tours cet après-midi
(14h00, heure de Trois-Rivières
/ 20h00, heure de Paris)
et ronronne comme un gros
chat.
Le moteur tourne
tellement rond que c'est à peine
si on constate que le silencieux
n'est pas encore installé.
J'en suis vraiment très heureux.
Pourquoi faire
simple quand on peut
faire compliquer ?
Devant
les nombreuses manifestations
d'exaltation devant ma
plume d'écrivain,
il me fait plaisir de
vous remettre une nouvelle page
des aventures de M38Bill. Merci!
Merci! Cette fois-ci, je vais
vous entretenir sur la façon
de faire les choses de manière
compliquée
alors qu'il est préférable
de les faire de manière
simple. À cet égard,
vous constaterez que
je suis de ceux qui ne peuvent
voir la vie que part la lorgnette
des sciences exactes, déformation
professionnelle d'ingénieur
Ha, ha, ha!!!.
Il
y a deux ans maintenant,
je décidai
d'acquérir ma première
M38CDN. En fait, ce n'était
qu'un amas de ferraille pour la
majorité des gens qui l'ont
vu à ce moment et ils n'étaient
pas loin de la vérité.
En effet, il faut préciser
que cette jeep n'avait plus sa
carrosserie au moment de l'achat
ce qui m'a valu, au mieux, quelques
commentaires courtois et au pire,
plusieurs sarcasmes bien sentis.
Toutefois, je connaissais la valeur
de celle-ci car j'avais localisé le
numéro d'identification
CFR (Canadian Force Registration)
sur le longeron gauche du châssis
ainsi que le numéro du
moteur attestant que je possédais
bien une M38CDN. Je sais qu'il
aurait été plus
raisonnable d'attendre à ce
que je trouve une jeep en meilleur état
mais à ce moment, il s'était écoulé 22
ans depuis l'époque où mon
rêve avait pris naissance….
Alors, à la poubelle la
raison et l'objectivité.

Aveuglé par l'enthousiasme,
je voyais donc ma jeep comme personne
ne pouvait la voir. Cela me rappelle
un fait cocasse où, par
un soir d'automne en l'an 2000,
un grand copain de longue date
vint à la maison en compagnie
du journaliste anglais Paul Webster. À titre
d'information, Paul Webster est
correspondant à Paris pour
le quotidien The Guardian et
il est l'auteur de plusieurs livres
dont les principaux titres sont « Saint-Exupéry,
vie et mort du petit prince », « Consuelo
de Saint-Exupéry ,
la rose du petit prince », « L'affaire
Pétain » et « Le
crime de Pétain » .

L'homme est donc d'importance
et en sa qualité de témoin
de la Seconde Guerre mondiale,
notamment de la Bataille d'Angleterre,
la jeep représente certainement à ses
yeux l'un des symboles privilégiés
de la liberté. Or, j'imagine
sa perplexité, voire sa
déconfiture, lorsqu'il
aperçut cette carcasse
rouillée et dépouillée
de tous ses attributs. J'en suis
d'autant plus honteux que quelques
minutes auparavant, je me vantais
d'avoir en ma possession une jeep
exceptionnelle dont il ne reste
que très peu d'exemplaires
au Canada. M'enfin! J'espère
que mon enthousiasme de l'époque
lui aura donné l'impression
de la voir telle que je la voyais.
Donc, pendant
de longues soirées, je
m'attaquai à la réfection
de « ma » jeep
avec l'objectif de lui rendre
son lustre d'antan. Avec une parcimonie
d'apothicaire, chaque pièce
a été démontée,
nettoyée, passée
au jet de sable au besoin, révisée
ou bien carrément remplacée,
peinte et remise en place selon
les cotes d'origines. Après quelques
200 heures de travail, et quelques
dégâts d'huile et
de cambouis dont ma femme se rappelle
très bien, j'ai enfin obtenu
les résultats escomptés.

Après
quelques menus ajustements,
il ne restait donc qu'à remettre
en place les différentes
composantes externes
du moteur dont notamment la pompe à l'huile
et le distributeur. Or,
comme vous le savez tous, le rouage
de la pompe à l'huile doit être
positionné de façon à permettre
au distributeur d'être correctement
installé. « Pas
de problèmes! »,
me dis-je. Étant donné que
la tête de moteur n'était
pas encore fixée, je n'avais
qu'à tourner la poulie
jusqu'à ce que j'aperçoive
le piston no 1 en position
de feu et donner ensuite l'avance
de 5 degrés. Quoi de plus
simple me direz-vous
? Or, au moment de donner cette
avance, je constatai qu'il n'y
avait aucune marque ou indication
sur la poulie. « Bah!
C'est pas compliqué, il
doit y avoir une marque
sur le volant à la sortie
du moteur », pensais-je.
Après vérification,
je constatai que là également,
il n'y avait aucune marque
identifiant cette avance.
« Ouais! L $
% ? &! » Le
problème apparaissait
plus corsé que prévu.
Il restait deux solutions possibles.
Soit que je trouve une poulie
avec les marques recherchées
ou bien j'extrapole en estimant
au juger la position du piston
n o 1 selon une avance de 5
degrés. Cette dernière
hypothèse me semblait
la meilleure compte tenu du
fait que je ne savais pas à quel
moment je trouverais une nouvelle
poulie. Mais là encore,
une estimation au juger peut être
bonne ou bien carrément
mauvaise. Il fallait donc autre
chose et à force de déduction,
j'en arrivai à la conclusion
que seule la trigonométrie
pouvait régler mon problème.
Ah! non alors. J'entends râler
certains copains jeepers parce-que
je n'ai pas retenu la proposition
de l'un, concernant un tripotage
nébuleux de vieux mécano,
et celle de l'autre à l'effet
d'ajuster le moteur avec une
coupe de vin ou un truc de ce
genre là. « Messieurs!
J'vous colle une dissertation
de 20 pages où vous aurez à me
démontrer la quadrature
du cercle; les voyelles en rouge
et les consonnes en bleu évidemment ».
Comme
vous le savez tous, enfin je l'espère,
le mouvement rotationnel du vilebrequin
induit un mouvement linéaire
aux pistons. En effet, si vous
y songez, au début de la
rotation du vilebrequin, le piston
descend plus lentement pour s'accélérer
au fur et à mesure que
le vilebrequin tourne. Il en est
de même pour la distance
parcourue verticalement par rapport à la
position du vilebrequin.
Lors des premiers
degrés
de rotation, la distance verticale
parcourue par le piston est plus
faible par rapport aux degrés
subséquents et ce jusqu'à la
position équivalente à 90
degrés. Or, si la course
verticale du piston « stroke » est
de 111,1 mm, il faut la
diviser par deux pour obtenir la
course verticale correspondante
à un quart de tour sur le vilebrequin.
En tenant compte que « a » est
l'angle entre la position du
vilebrequin et l'abscisse, et
que la valeur de la demi-course « stroke/2 » représente
l'hypoténuse, nous pouvons
déduire l'équation
suivante:
y = (valeur
du stroke / 2) - ((sin a *
valeur du stroke
/ 2)
À titre
d'exemple, voici une
petite simulation:
Valeur b |
Valeur a |
Équation |
Distance
verticale y |
0
o |
90
o |
y
= (111,1/2) -
(sin90 o * 111,1/2) |
0.000
mm |
5
o |
85
o |
y
= (111,1/2)
- (sin85 o
* 111,1/2) |
0.211
mm |
10
o |
80
o |
y
= (111,1/2) -
(sin80 o * 111,1/2) |
0.844
mm |
15
o |
75
o |
y
= (111,1/2) -
(sin75 o * 111,1/2) |
1.893
mm |
25
o |
65
o |
y
= (111,1/2) -
(sin65 o * 111,1/2) |
5.205
mm |
35
o |
55
o |
y
= (111,1/2) -
(sin55 o * 111,1/2) |
10.046
mm |
45
o |
45
o |
y
= (111,1/2) -
(sin45 o * 111,1/2) |
19.038
mm |
Vous constaterez que pour une
valeur b égale à 5
degrés, qui correspond à l'avance
sur le vilebrequin, la distance
verticale
y du piston par
rapport à son point mort
n'est que de 0.211 mm ce qui
est bien peu. Avec un vernier
micrométrique, il est
toutefois simple de descendre
le piston n o 1 à cette
position . L'installation de
la pompe à l'huile et
du distributeur devient dès
lors un jeu d'enfant en prenant évidemment
bien soin de placer le rotor
vis-à vis la borne n
o 1 du chapeau de distributeur.
Tout cela est bien beau, mais
je n'ai pas encore
fait démarrer
ce moteur et je suis toujours
dans l'expectative à savoir
si le calcul a valu le travail.
M'enfin! L'exercice a eu le
mérite d'être stimulant
et c'est tout de même
là que nous voyons que
les mathématiques s'appliquent à presque
tous les domaines, même
aux jeeps.
Salutations
Guy
alias M38Bill